« Savez-vous, Arthur, lorsqu’une patiente vient me voir pour un examen et commence à me parler de ses symptômes, de la façon dont elle souffre et de son problème, j’observe rarement ses vêtements. Je ne remarque jamais si elle est joliment habillée et si elle porte des soies et des diamants ou si elle est recouverte de tissus faits maison. J’écoute son histoire et, tout en l’écoutant, je vois dans mon oeil de l’esprit les combinaisons de systèmes qui constituent l’ensemble de la structure du corps. Je me concentre sur son histoire, essayant de déterminer, à travers la description qui m’a été donnée, les altérations structurelles qui se sont produites pour produire les symptômes décrits. »
Cet extrait provient du livre d’Arthur G. Hildreth, The lengthening shadow of Dr. Andrew Taylor Still (page 185). C’est Still, le découvreur de l’ostéopathie, qui explique à Hildreth ce qu’il fait lorsque quelqu’un le consulte. Il poursuit :
“Je vois d’abord la charpente osseuse[…] Je vois surtout la position de ces parties osseuses […] Ensuite je vois les ligaments[…] Ensuite je vois les muscles[…] Je vois aussi dans mon esprit […] Je vois sa division en partie céphalo-rachidienne[…] Je vois plus loin le système artériel[…] Puis je visualise le système veineux…”
Nous avons tous un héritage philosophique. Que nous le voulions ou non, notre façon de voir le monde est influencée par la façon que certains philosophes ont eu de voir leur monde. Nos sociétés sont également influencées par ces philosophies. Et bien souvent, nous ne nous en rendons pas compte.
Notre héritage culturel nous pousse à nous considérer extérieur au monde. Et cette grille de lecture inconsciente, lorsqu’elle est appliquée à l’ostéopathie, amène forcément à de la thérapie manuelle classique. Mais dans cet extrait, Still parle d’une manière d’expériencer le monde qui rappelle grandement ce dont Goethe parle. Goethe pratiquait une science participative dans le sens où l’accent est mis sur l’action de percevoir plus que ce qui est perçu. Sa science démarre donc avec le scientifique, et non avec l’objet.
Maintenant je vais essayer de décrire ce que je fais. C’est mon blog après tout.
Admettons qu’un patient me parle d’une douleur au poignet. Plus il va m’en parler, plus je vais percevoir certaines zones. Petit à petit, la perception va s’affiner. Une côte, une vertèbre. Lourdeur, tension, sensation que c’est désaxé…plus le patient me raconte, plus je perçois.
J’ai moi même fait l’erreur de dire que je sens “dans mon corps”. Mais en vérité je perçois mon monde en permanence, et je vis dans ces perceptions, sans qu’elles ne soient localisées quelque part en particulier. Ce que je crois percevoir dans ma hanche, est plutôt perçu en tant que hanche.
Je pense que si j’avais une connaissance aussi poussée des autres systèmes, je pourrais développer les mêmes sensations. Anatomie, anatomie, anatomie, oui mais des panzani, oui mais pas une connaissance des noms comme nous l’apprenons à l’école. Une intimité avec l’anatomie. Les os comme étant des éléments vivants de ma conscience. Pas le mouvement des articulations des biomécaniciens, ni la force vitale des vitalistes. Non, pas ça. L’os, les artères etc sont le mouvement. Pas besoin d’aller chercher au delà, ce qui est présent à beaucoup à dire.
Avec tout mon amour,
Jules
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